FENÊTRES SUR ICI ET MAINTENANT
Moments de présence et d’intimité
– Joseph Emet –

Nous sommes entourés de beauté tout le temps, car nous avons la chance de vivre sur la Terre.
La pleine conscience—prêter attention au moment présent intentionnellement—nous aide à voir et à apprécier cette beauté. C’est aussi la première étape dans l’écriture d’un poème.
Voici un recueil de mes poèmes décrivant des moments de surprise dans l’ordinaire, et des scènes et histoires qui ont révélé un monde caché sous les apparences.


AIME LE POMMIER
Aime le pommier, pas juste le goût de son fruit,
Aime le rosier, pas juste l’odeur de sa fleur,
Aime l’abeille, pas juste son miel dans le pot,
Aime le jardin au printemps, et en hiver.

Aime le pinson, pas juste le son de sa chanson,
Aime le ruisseau, pas juste son eau dans la douche,
Aime le peintre, pas juste les couleurs de ses fleurs,
Aime la Terre au printemps, et en hiver.


L’AMOUR DANS MON COEUR
Avec l’amour dans mon coeur, je vois des fleurs partout,
Je vois dans la lune l’éclat du soleil.
Et je vois des gens avec racines, des gens avec fourrures,
Des gens avec des plumes comme mes colocs
Dans une maison de lumière, une maison de chanson,
Une maison qui respire et fleurit.


REGARDE LA ROSE
Regarde la rose éclore, la mouette planer au ciel,
Regarde les vagues tanguer, les nuages s’étirer.
Le temps n’est que soleil et pluie,
L’espace n’est que vent et nuages,
La vie coule ainsi.


LA PAIX
Chaque moment est une chance pour la paix,
La paix avec le vent, la paix avec le temps,
La paix avec le corps,
Et la paix avec le sort.

Chaque moment est une chance pour la paix,
La paix avec toi-même, la paix avec ton amour,
et avec ce qui t’attend
Au prochain carrefour.


LE VENT
Souffle le vent sur les jours et les nuits,
Il me berce, ou il me renverse,
Il porte les graines de toutes les fleurs,
Qui sont belles comme le bonheur,
Ou difficiles comme la douleur,
Aux couleurs de la vie.

Souffle le vent sur les champs et les prés,
Qui sait ce qu’il m’apporte aujourd’hui?
Peut-être la joie, peut-être le chagrin…
Hier, c’était une jolie fleur,
Qui aime le soleil et le bonheur,
Et qui devint ma mie.


L’AMOUR DE LA TERRE
Jusqu’à ces derniers temps nous avions l’habitude de considérer la Terre comme solide et durable. La maladie, la vieillesse, et la mort étaient notre sort; la Terre se reprenait continuellement et restait belle et en santé. C’est à notre époque que la fragilité de la Terre est devenue douloureusement évidente—maintenant qu’elle a la fièvre comme nous quand nous sommes malades.
Considérons la Terre comme un être vivant, tout comme nous. Elle respire à sa façon avec les vents et les marées, et elle circule l’énergie du soleil avec les courants océaniques. Elle dort pendant la nuit, et s’éveille chaque matin. Et elle est maman: la lune, son unique enfant est restée dans la famille au lieu de se perdre dans le grand cosmos anonyme, comme le font beaucoup de jeunes d’aujourd’hui…
La Terre mérite notre attention et notre amour, tout comme notre partenaire intime, nos enfants, et même nos chiens et nos chats.
Deux choses stimulent généralement l’amour: des beaux souvenirs et la beauté. Les deux sont regroupés ici: mes beaux souvenirs sont aussi des souvenirs de ma vie sur Terre, et la beauté des océans, des forêts, et des couchers de soleil est aussi la beauté de la Terre.



VAGUES SUR LA MER
Vagues sur la mer, douceur des nuits,
fleurs dans le pré, bleu du ciel,
Sourire éphémère, et amour infini,
tout y est, mais il n’y a rien à saisir.

Touche avec les yeux, caresse avec les mains,
hume les fleurs, écoute avec le coeur,
l’amour t’appelle, goûte à ses merveilles,
Tout est à sentir, mais rien à posséder.

Même ton corps, même ton coeur,
et même le bleu de tes yeux
n’est à toi pour toujours
mais ils sont là pour connaître la joie.


LE CRI DU CORBEAU
Le corbeau crie :
“Croa, croa, croa…
Je croasse donc je suis !”
« Je croasse beaucoup, parce que
plus je croasse
plus je suis !”


PALAIS D’ILLUSIONS
La Terre est un palais d’illusions
Dans un jardin d’amour,
Où femmes et hommes se prennent parfois
pour anges ou démons.
Leur amour est mêlé à leurs besoins,
Ils s’aiment les yeux fermés
Dans ce palais d’illusions.

Ensemble ils vivent sous le même soleil,
Dans le même jardin, sous le même toit,
Pourtant le bonheur leur échappe parfois
Dans ce palais d’illusions.

Ensembles et heureux, ou seuls et douteux,
Pareils et différents de la tête aux orteils,
Ils se font du bien, ils se font du mal
Dans ce palais d’illusions.


NUAGES
Nuages dans le ciel d’été
vont et viennent, vont et viennent,
Comme les oiseaux qui passent
Sans laisser de traces.

Le soleil et le vent font le temps,
C’est parfois radieux, parfois pluvieux,
Et chaque jour est différent un peu,
L’esprit est le ciel, le reste est météo,


POÈME POUR LA SAINT VALENTIN
Les montagnes majestueuses
connaissent le vent et la neige
mais pas la mer, le jeu du dauphin,
la douce caresse des algues
ou les couleurs des poissons aux yeux vitreux
glissant à travers les courants et les marées.

Sans te connaître,
Je serais aussi ignorant que les montagnes
sont de la mer, ignorant de la moitié de l’univers
fait des mêmes éléments que moi
mais tissé oh, si différemment. . .


RAPPELLE-TOI
Rappelle-toi de sourire à la vie
Rappelle-toi qu’elle coule entre les doigts
Rappelle-toi des dons de chaque instant
Rappelle-toi qu’ils sont abondants.

Le soleil est ici, il illumine nos coeurs
On ressent sa chaleur dans une sourire sans peur
Et les plus belles fleurs poussent dans les coeurs
On les reconnait par leurs parfums, leurs saveurs.


REVIENS AU JARDIN
Les oiseaux chantent toujours que l’éden est ici,
Ils sont restés—où seraient ils allés?
Les pommes sont mures, les baies aussi…
Ouvre ton coeur, plus grand que les soucis.

Reviens au jardin, au jardin d’ici,
Reviens au jardin, au jardin d’aujourd’hui,
Reviens à ton corps, ouvre les yeux,
Chéris ton amour, et retrouve le bonheur.


FLEURS
Fleurs dans le jardin, fleurs dans le pré
Vous ouvrez vos pétales quand c’est prêt,
Habillées en couleurs, le parfum dans l’air,
Remplies de lumière, pleines de beauté.

Il y a des fleurs en moi, et des fleurs en toi
Tout comme dans le jardin, et le pré,
Avec du soleil elles s’ouvrent aussi en beauté,
Dans chaque coeur il y a de l’amour et de la paix.


Langage et sens
Dans mes meilleurs poèmes, je sens que ce n’est pas moi, mais un sorcier à l’intérieur qui trouve les bons mots. Le langage fait mieux son travail quand il se transcende et pointe vers quelque chose au-delà des mots. Le haïku japonais, les épopées d’Homère et les vers de Rumi en sont de particulièrement bons exemples. Je remarque que nous les connaissons grâce à des traductions. Cela semble montrer que ce ne sont pas seulement les mots que ces poètes ont utilisés qui nous ont touchés. C’était quelque chose derrière ces mots, et cela transparaît encore dans la traduction. L’essence de la poésie pourrait-elle résider dans la « traduction » d’une expérience en mots ?
Un poème n’est pas seulement un bijou poli, mais aussi un porte-voix doux—il dit quelque chose qui doit être partagé. Et quoi de plus approprié que de pointer un doigt vers la nature, avec sa beauté et ses leçons du quotidien ?



GAZOUILLIS
Un rouge-gorge gazouillait ce matin
en regardant dans ma direction
« Tes hululements et croassements
sont difficiles à comprendre—
J’écoute et je m’émerveille…”
“Pourquoi si sérieux et si prétentieux ?
Et où est le son des chants joyeux ?
Parlons de choses importantes—
de l’amour et des plaisirs de ce jour.”


Parenté avec les animaux
Il me semble que jusqu’à il y a environ un siècle, nous traitions mieux les animaux. Il y avait encore des bergers qui jouaient de la flûte en gardant leurs troupeaux (j’en ai moi-même vu quelques-uns au Moyen-Orient), il n’y avait pas de pêche au chalutier en haute mer, et l’élevage industriel n’avait pas encore été inventé. Ces pratiques témoignent de notre aliénation de la nature aujourd’hui.
La nature est à l’intérieur de nous aussi bien qu’autour de nous, donc l’aliénation de la nature signifie aussi l’aliénation de notre propre nature.
Nous pratiquons l’élevage industriel non seulement d’autres animaux, mais aussi de nous-mêmes.
C’est l’arrière-plan du prochain poème. Ce poème m’a motivé à créer cette collection. J’ai longtemps admiré les mouettes faisant des sauts d’été dans le ciel, les aigles planant sans un battement d’aile et les écureuils s’amusant dans le jardin. Dans ce poème, j’exprime non seulement mon admiration, mais aussi mes forts sentiments de parenté avec les animaux.



LES QUESTIONS DE L’ÉCUREUIL
En voyage à Bordeaux
je vois les vieux châteaux
avec des minuscules fenêtres,
et des murs d’un mètre,
et je me demande:
Pourquoi a-t-on
besoin de toute cette pierre
pour se sentir chez soi ?
Que sait-on du murmure du vent
et la magie de la lune
derrière des murs si épais?

Au retour, je vois l’écureuil dans mon jardin
avec des questions dans les yeux :
« Pourquoi vis-tu dans une boîte si grande
loin du parfum du pin,
et pourquoi dors-tu si tard le matin ?
Pourquoi lis-tu de la poésie dans un livre
quand la nature en est plein ?”


CHEZ-MOI
Je suis arrivé,
je suis chez-moi
depuis des milliers d’années,
j’ai marché sur l’herbe
main dans la main avec toi,
senti l’air doux,
et entendu chanter les petits oiseaux,
avec joie dans mon coeur.

Chaque instant est une fenêtre
qui donne sur l’éternité,
et à chaque instant j’arrive
pieds nus sous un arbre.
Je chante ma chanson
à qui est près de moi,
fleurs, la lune, la mer et toi.

J’ai déjà été ici mille fois
et regardé les cerfs brouter l’herbe,
et je suis ici, encore une fois
aujourd’hui.


SOIS TOI-MÊME
Comme l’érable dans le bois,
Comme le trèfle dans le pré,
Comme l’hirondelle dans le ciel,
Sois fidèle à qui tu es,
Sois toi-même
Comme le soleil qui chauffe nos coeurs.

Laisse les autres dire leur mot,
Laisse les gamins faire leurs sauts,
Laisse aller l’écume des jours,
Sois fidèle à qui tu es,
Sois toi-même
Comme la Terre qui nous soutient tous.

Prends bien soin de ton esprit,
Sois présent, sois dans le moment
En marchant fais des pas en paix,
Sois fidèle à qui tu es,
Sois toi-même
Comme la lune qui éclaire la nuit.


ALLÉLUIA
Quand tu marches dans une forêt
Perds-toi parmi les arbres,
Et retrouves-toi dans l’Éden
Comme dans un souvenir lointain.

L’oiseau sur la branche
Le ruisseau, et la source
Chantent sans fin en harmonie,
Alléluia.

Viens chez-toi, trouve ta voix,
Prends ta place dans le choeur,
Viens retrouver le chanteur,
Et le chant de ta vie.


IMPERMANENCE DÉGUISÉE
La nature pratique la répétition créative, comme une chanson qui chante différents couplets sur le même air. Les jours se succèdent, pourtant, chaque jour est un peu différent. Les saisons reviennent, mais chaque année elles reviennent un peu différemment.
Une variété infinie dans le même emballage est la voie de la nature.



TU ES UNE FEUILLE
Tu es une feuille sur l’arbre de vie,
Pour une saison, son amour, sa mie,
Profite des jours dorés de l’été,
Dans le vent, danse comme une fée.
En automne quand tu perds pied
Laisse-toi aller,
Rends à l’arbre ce qu’il t’a prêté.


COMME LA SOURCE
Comme la source dans le bois,
Comme le cricket dans la nuit,
Comme l’oiseau sur la branche,
Chante ta joie comme un mantra.

Chante ta joie en marchant,
chante ta joie en travaillant,
Comme l’oiseau sur la branche,
Chante ta joie comme un mantra.


POSEZ VOS FARDEAUX
Posez vos fardeaux, laissez vos soucis,
Rendez ses ailes à votre coeur.
Puis, reprenez-les encore, librement,
C’est plus léger comme ça
Quand c’est votre choix.


FIN DE L’ÉTÉ
Je marche et j’entends les oiseaux,
Ils chantent dans les arbres et les buissons,
Ils chantent d’amour et des joies de l’été
Mais l’été s’achève déjà.

Sous le chaud soleil d’automne je pause,
je regarde les papillons jouer à cache-cache,
pourtant les feuilles sont jaunes, et perdent pied,
Et elles vont tomber bientôt.

J’admire les couleurs et leur éclat,
je me déplace à travers tout cela
Comme le vent qui souffle sur l’eau
Et fait des vagues sans laisser de trace.


RIEN DE PERSONNEL
C’est le début de juillet. L’érable
est plein de feuilles.
Pourtant, ce n’est pas lui
qui les a fait pousser,
c’est la nature.

L’érable remarque:
« Hé, regarde,
elles poussent partout sur moi.”
Comme une jeune fille remarque
ses seins gonfler.
Comme un oisillon remarque
les plumes qui jaillissent de sa peau.

Vieillir, c’est pareil—
ce n’est rien de personnel,
juste le jeu de la nature
et savoir cela rend la chose plus facile.


PAIX OU TRÊVE ?
Ça se peux que « paix » est une notion trop ambitieuse…
Peut-être « trêve » est plus facile à atteindre.
Voici ce que dit le dictionnaire à propos de « trêve » :
« Cessation temporaire de tout acte d’hostilité. »
Il donne un exemple :
« Nous devons passer le week-end ensemble, alors il faudrait
déclarer une trêve. »
Ça serait bien si nous pouvions accéder à la paix une fois pour toutes.
Pourtant, notre paix est souvent de courte durée, et ressemble plus à une trêve.
Et cette trêve doit être reconfirmée souvent pour ressembler à la paix.



CHANSON D’HIVER
Un esprit tranquille est un don de paix et guérison,
Avec un cœur calme l’amour est doux.
Perdant ou gagnant, respire paisiblement,
Regarde la neige tomber à pas de velours.


SOIS PRÉSENT
Sois présent, tendrement
laisse tomber les histoires.
Accueille le jour, accueille la vie
l’esprit ouvert.
Comme une fleur dans le pré
qui s’ouvre au ciel.


RÊVES
Tout-ce qu’on est, et tout-ce qu’on voit
est comme un rêve dans un rêve.
Tiens le fort, ou tiens le peu
il coule entre les doigts sans dire adieux.