COULEURS DE LA VERITÉ

Bleue dans le ciel 
Rouge dans mon coeur
Verte dans les collines, dorée au coucher du soleil
La vérité prend les couleurs d’ici et maintenant—

Habillée comme l’arc en ciel
Elle coule comme un ruisseau dans le bois
Et scintille avec ses diamants
La nuit, en robe noir.

Puis, toute en flambée comme à l’aube
Elle porte sa blouse jaune 
Pour fêter l’automne.

Le Zen s’exprime par des anecdotes. En voici une sur la différence entre Bouddha et son image:

Une fois, Ikkyu séjournait dans un temple. La nuit était froide, et il y avait trois bouddhas en bois dans la cour; alors il alluma un feu et en brûla un pour se réchauffer.

Quand le prêtre est venu et a vu ce qui se passait, il était en colère: « Qu’est-ce que tu fais en brûlant le Bouddha, es-tu fou? il cria.

En réponse, Ikkyu commença à fouiller dans les cendres avec son bâton.

Le prêtre demanda: « Maintenant qu’est-ce que tu fais?
Ikkyu répondit: « Je cherche les os du Bouddha. »

LES COULEURS DU BOUDDHA

Habillez le Bouddha
Des couleurs que vous aimez bien
Donnez-lui l’allure qui vous convient
Du rouge tibétain
Au marron vietnamien
Du jaune du Ceylan
Au noir du Japon—

Car le Bouddha est comme l’eau
Qui prend la forme du contenant—
des bouteilles bien gracieuses
aux pots trapus—
Il est une lumière
couleur de liberté
qui offre le goût du bonheur
à qui en veut.

Voici une question qui apparaît sous le numéro 23 de la collection des Koan, La Porte sans Porte.
“À quoi ressemblait votre visage avant la naissance de vos parents?”

Avez-vous déjà souhaité pouvoir vous connecter avec votre père ou un proche en toute ouverture et intimité, sans que leurs croyances et leurs habitudes de pensée n’entrent en jeu?

Un poème Zen du même Ikkyu que ci-dessus rend ce Koan soudainement clair:

Entendre un corbeau sans bouche
Pleurer dans les profonds ténèbres de la nuit,
je ressens le désir pour
Mon père avant sa naissance.

Voici un autre Koan qui utilise l’humour et l’imagination :
« Une personne est haut dans un arbre, suspendue par la bouche à une branche. Imaginez que ses mains et ses pieds ne puissent pas en atteindre un autre. Quelqu’un vient sous l’arbre et lui pose une question d’une importance vitale. Si la personne ouvre la bouche pour répondre, elle tombera et se blessera. Si elle ne répond pas, quelque chose d’aussi grave pourrait arriver. Que devrait-elle faire? »

Regardons au-delà du scénario improbable décrit ici :
VOUS êtes le protagoniste ici, comme dans de nombreux autres Koan ; VOUS êtes la personne dans l’arbre. Identifiez-vous avec elle, même si vous n’aimez pas grimper aux arbres ou mordre dans l’écorce. Ce Koan illustre le sens du dicton, « pris entre le marteau et l’enclume ». Avez-vous déjà été confronté à une question où vous n’étiez pas prêt à aborder le sujet, mais ignorer la question n’était pas non plus une bonne option ? En effet, la question revient au cours de nombreuses conversations : faut-il prendre un risque et dévoiler son cœur, ou être discret et détourner le sujet ? Les politiciens sont constamment confrontés à cette question, pourtant, ce problème ne se limite pas à eux : quand parler et quand se taire est un problème vital entre un avocat et un juge, entre époux, entre parents et leurs enfants, et entre amis.

À un autre niveau, le simple fait d’ouvrir la bouche pourrait être une erreur, car il y a de gros problèmes avec les mots :
Les mots sont abstraits. Non seulement des termes tels que philosophie ou théologie sont abstraits, mais nous utilisons de nombreux autres mots tels que amour, compassion et même pleine conscience de manière abstraite. Ce sont des éléments de menu au lieu de la nourriture elle-même. Voici la différence : un mot fait-il référence à votre propre expérience ou représente-t-il quelque chose qui est défini par d’autres mots, comme dans un dictionnaire ?
Les mots ont un sens noir et blanc, mais en réalité il y a mille nuances entre le noir absolu et le blanc absolu, entre le jour et la nuit.
Connaître le mot nous donne la fausse impression que nous connaissons la chose elle-même. Connaissant le mot « baleine », je pense que je sais quelque chose, mais qu’est-ce que je sais vraiment sur les baleines?
Nous utilisons parfois des mots comme des armes. Pensez aux jurons, aux mots sexistes, ou racistes, et aux expressions qui réduisent les gens à leurs organes génitaux.
Les mots ne correspondent pas toujours à la réalité. Les adeptes de Donald Trump utilisent des mots pour créer une réalité alternative. Parfois, les religions le font  aussi, comme en Afghanistan et en Iran. Les entreprises le font dans la publicité.

Pourtant, quelle est l’alternative à la communication verbale?
Voici deux paradoxes qui illustrent le dilemme dans lequel se trouve le protagoniste de ce Koan.
Le premier est personnel :
La prise de conscience de la pensée verbale est l’un de mes thèmes de méditation préférés, pourtant je vis au Québec, et j’aime lire, écrire, et parler en français et en anglais. Cela me rend environ deux fois plus verbal que des gens qui ne sont pas bilingues.
Le Zen se définit comme une transmission spéciale au-delà des mots et des lettres, pourtant sur Amazon il y a plus de 40 000 livres avec Zen dans le titre.

LA SAGESSE ET LA PLEINE CONSCIENCE

La sagesse et la pleine conscience vont ensemble. La sagesse pointe vers une perspective plus large, et avec la pleine conscience nous pouvons penser et agir à partir de cette perspective élargie dans des situations quotidiennes.

  • La prise de conscience est basée sur l’observation—l’observation de l’environnement, des sensations, ou des émotions. Elle nous relie à notre expérience.
    « Pour que les choses se révèlent à nous, nous devons être prêts à abandonner nos opinions à leur sujet. »
    -Thich Nhat Hanh

  • La pensée part de l’observation et va ailleurs. Sans sagesse, elle peut nous séparer du moment présent et de ce que nous sommes en train de faire.

L’expression « train de pensée », inventée avant que les avions ne remplacent les trains comme moyen de transport populaire, fait référence à la façon dont les pensées se succèdent comme le font les wagons d’un train. Penser, c’est comme un voyage: on monte dans un avion et ça nous emmène quelque part, sauf qu’avec la pensée on peut se trouver dans un endroit imaginaire. Observez le tableau des destinations à l’aéroport de votre esprit:
Ce vol vous emmène-t-il au paradis ou en enfer?
Si c’est l’enfer, changez de vol.

LE TEMPS

Dogen a dit : « Le rat est le temps, le tigre est le temps, les êtres vivants sont le temps, les bouddhas sont le temps. La vérité simplement se manifeste en tant que personne ordinaire pour le moment.“
Ne voyons pas le temps seulement comme une abstraction —le temps n’est pas séparé de la vie. Lorsque nous sommes complètement absorbés par ce que nous faisons, nous perdons la notion du temps. Nous devenons le temps. L’accent est sur l’expérience.
Lorsque nous commençons à penser au temps—le passé, le présent, le futur—la conscience de soi commence. Sans l’idée du temps, la vie continue. Le sang coule, le souffle souffle. Voyons l’anxiété liée au temps comme une fonction de l’ego. Les planètes ne craignent pas d’être en retard ou en avance. Ni un bébé. Il va naître quand il est prêt.

Au fur et à mesure que je m’identifie à l’esprit de la nature, l’anxiété du temps s’estompe. Je ressens mon propre souffle comme la nature qui respire à travers moi, et Je deviens le temps. Et quand le temps devient vie, je vois que le présent embrasse aussi le passé et le futur: je contemple le passé et le futur tout en restant ancré dans la vie.

La qualité mythique du temps est appelée “Dreamtime” par les aborigènes australiens; cette qualité prend vie dans nos rêves où le passé, le présent et le futur semblent tourbillonner ensemble comme dans un mixeur.
ESPACE-TEMPS: Le temps et l’espace ne sont pas séparés, ici et maintenant font une seule entité.
(La Théorie de la Relativité considère le temps comme la quatrième dimension de l’espace.)
Un dernier mot de Thich Nhat Hanh:

« Le temps n’est pas de l’argent, le temps c’est la vie, le temps c’est l’amour. »