« Tant que les gens continueront à chercher l’éveil, la littérature bouddhiste continuera. C’est là que la prise en compte de l’histoire du bouddhisme a un sens : nous aider à voir ce qui vieillit et ce qui n’a pas d’âge », écrit Thomas Cleary dans son introduction au Blue Cliff Record.
Voici un texte essentiel de la tradition bouddhiste.
Cette version est basé sur la version renouvelée de Thich Nhat Hanh. J’ai essayé d’y présenter les vérités sans âge de ce texte, sans certains détails historiques. (J. E.)
SUTRA DU CŒUR
Sagesse pour la vie
Le corps, les sensations, les perceptions, les états mentaux, et même la conscience sont ‘vides’, c’est à dire, ils n’existent pas seuls.
Cette réalisation nourrit notre bien-être.
Ce corps-même est vide, c’est à dire qu’il est composé de tout ce qu’il y a sur la Terre.
Donc, la Terre est la source de notre corps.
Il en va de même pour les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience.
Ce que nous appelons la naissance est la nature qui apparait sous une forme nouvelle.
Ce que nous appelons la mort est un visage de la nature qui se dissout dans le vide – dans la nature.
Les autres contraires tels que l’être et le non-être, sacré et profane, croissant et décroissant sont des mots trompeurs car ils sont subjectifs et unilatéraux.
Corps, sentiments, perceptions, états mentaux et conscience n’existent pas en tant qu’entités séparés; nos organes sensoriels non plus.
C’est aussi vrai pour les objets de nos sens, et pour nos sensations elles-mêmes.
Il en va de même pour la souffrance, la cause et la fin de la souffrance, les aperçus et la réalisation : ce ne sont pas non plus des entités séparés—ils n’existent pas par eux-mêmes.
Celui qui peut voir cela n’a plus besoin de rien d’autre à atteindre.
Ceux qui pratiquent avec ces aperçus ne voient plus d’obstacles dans leur esprit.
Ils peuvent surmonter la peur, abandonner les fausses perceptions, et atteindre le bien-être.
Ils sont allés au-delà,
au-delà de ‘soi’,
et connu l’éveil.
APPLICATIONS PRATIQUES
Le Sutra du Cœur enseigne un point de vue holistique.
Voici une conversation emblématique entre Bodhidharma, le premier ancêtre du Zen, et son successeur Huike. Cela peut sembler déroutant à première vue, car ici, Bodhidharma parle d’un point de vue holistique :
Huike est venu voir Bodhidharma et a dit : « Je n’ai pas l’esprit tranquille. S’il vous plaît, apaisez mon esprit.
« Apportez-moi votre esprit et je le pacifierai pour vous », dit Bodhidharma.
Huike a déclaré: « Je le cherche, mais je ne le trouve pas. »
« Voilà, » répondit Bodhidharma, « j’ai apaisé votre esprit. »
Bodhidharma impliquait que l’esprit n’est pas une chose séparée que l’on peut isoler et réparer; il fait partie de la personne dans son ensemble, de son mode de vie, de ses croyances, de son éducation et de la société dans laquelle il vit. Plus important encore, l’esprit ressemble plus à un verbe qu’à un nom.
Si Bodhidharma était un thérapeute holistique, je peux imaginer comment il pourrait répondre à un client avec des problèmes de sommeil :
Thérapeute : « Apportez-moi votre sommeil et je vais l’améliorer pour vous. »
L’implication est que le sommeil fait partie d’un tout.
S’il était un maire holistique, je peux imaginer la conversation suivante :
Employé : « Nous avons des problèmes de circulation à tel ou tel carrefour. »
Maire : « Apportez-moi cette intersection et je vais résoudre le problème. »
En effet, nos défis de circulation sont liés à notre mode de vie, à nos horaires de travail, la disponibilité de transport collectif, et à notre détermination à vivre loin de là où nous travaillons. Ils ne sont pas des problèmes isolés.
De même, un problème de sommeil est lié, entre autres, à l’anxiété, les boissons contenant de la caféine, le tabagisme, l’exercice, la routine nocturne, la consommation d’alcool, et à la mode de vie. Prendre des somnifères serait une approche réductionniste.
La maire à l’esprit holistique ne suggère pas qu’une certaine intersection puisse réellement être transportée jusqu’à son bureau ; elle veut dire que la congestion là-bas fait partie d’un problème plus large : c’est un problème de société. Une approche holistique prendrait en compte toutes les questions connexes.
La vision holistique est particulièrement appropriée de nos jours face à la pollution et aux changements climatiques. Lorsque je lis les demi-mesures prises par nos gouvernements, j’imagine Bodhidharma disant avec un sourire malin: « Apportez-moi l’environnement, et je le réparerai ».